Garance, thanks no thanks

– Prémices
Fin Février 2025, le grand flat estival dans l’Ouest. Et oui, des 3 Bassins en longboard avec les dalons, des petites sessions aux Aigrettes par-ci par-là, de temps en temps on descend à la Jetée… l’été, quoi. Mais plus les jours passent, plus l’air devient lourd, quelque chose se prépare.
À travers ce petit article, je retrace le tristement célèbre cyclone Garance. Des sessions, des rires, de bons moments et surtout énormément de fabulation.
– Le cocktail parfait pour une session pré-cyclonique
Ingrédients : un groupe de dalons actifs, du café, des chaises, de la patience, des riders plus motivés que jamais et surtout une bonne dose de savoir-faire. Et vous obtenez des sessions pré-cycloniques plutôt réussies.
On entend aux infos qu’une tempête se forme bien au large de nos côtes. Evidement on s’impatiente. Entre pronostics de chacun et forecast americains qui disent n’importe quoi, on ne sait plus où donner de la tête.
Monsieur Lodeho dit « Claude », figure emblématique du bodyboard réunionnais et, accessoirement, mon grand dalon, ne tarde pas à pointer le bout de son front dans cette histoire.
Un appel, puis cinq messages vocaux plus tard sans réponse, tout ça pour me lâcher un « demain, c’est parfait ». Commence alors une grande épopée, une course effrénée au scoring.
Vous l’avez compris, evidemment, je suis de la partie.
– Les préparatifs avant la session
La veille, j’équipe mon sac de parachutiste de façon chirurgicale et ordonnée (comme toujours, évidemment). Petites et longues focales, un autre boîtier photo, filtres, combi intégrale, casque, palmes, caisson,… Je vide TOUT mon stock. C’est LA session de l’année, tout doit être parfait au millimètre près.
-« Zeu Day «
Un réveil plutôt pénible. Un café et un parapluie emprunté à maman plus tard, mon fidèle Partner et moi sommes à l’aube devant le spot. Et Claude, évidemment.
Et là, un IMMENSE BOIS, comme on dit chez nous. Ciel couvert, un plan d’eau qui avait le Parkinson et surtout Raptou (l’ancien venu du grand Est) qui nous dit que les vagues ne sont pas au rendez-vous. Nickel. Une belle journée qui commence. On cale dix, puis vingt, puis trente minutes. Une série passe, mais ce n’est pas suffisant pour notre appétit.
– La course aux vagues
Et là commence une course. Un circuit en forme de boucle. De Boucan jusqu’à Trois Roches en passant par Perroquet. On va voir là-bas, puis par ici, pour retourner par là-bas, pour revenir ici et finir de nouveau là-bas. Bref, on a faim.
Trois cafés et deux CBD de Paulo plus tard, l’envie de me vidanger se fait sentir dans le bas du ventre. Et puis j’attends, j’attends, j’attends…
Et là ! En post-sieste (donc très aigri), je reçois un message vocal de monsieur Claude. Je sens dans sa voix une grande hâte, une immense envie de briller plus que le soleil en cette fin de journée. Une envie de scorer ce fameux spot, ça y est, c’est le moment ! Comme un marmail qui exhibe ses nouveaux linges à la rentrée.
(Message disponible dans la vidéo, évidemment.)


Retour au spot, cette fois c’est la bonne !
Pied au plancher, et pour la quatrième fois de la journée, je retourne au spot. En me disant : cette fois, c’est la bonne !
À la sortie de Boucan, je baisse mon son de RNB français des années 2000 pour entendre une autre belle mélodie. Celle de la houle qui s’éclate sur le reef.
“BOOOOOOOOOOMMMMMMMM, BBBBBBOOOOMMMMMMMMMMMMMM”
Autrement dit, la houle est rentrée. Avec du retard, mais elle est là. Enfin.
Je me gare comme un aveugle et je descends avec mes équipements du RSMA sur le dos. Nan, je ne réfléchis même pas, je ne check pas, là il faut agir. La Papang mobile est sur le bord, donc Claude est dans l’eau. Une lumière magnifique. What else ?
Ni une ni deux, je me place en bas de la falaise, dans ce studio grandeur nature. J’intègre un peu de roche volcanique dans le cadre, je fais des petits plans de coupe, je fais péter le son. Bref, on va s’amuser. Une vague, puis dix, je me rends compte que cette session au coucher du soleil va être totalement mémorable.
Je me déplace un peu, je varie les angles, je me fais encore plus kiffer. Les gens passent, on échange sur le fait que les bougs à l’eau nous livrent un bon spectacle.
D’ailleurs, en parlant de bougs chauds, Claude, grand gauchiste, en bon Réunionnais qui se respecte, ressort de ses fonds de tiroirs ses connaissances en droite. Autrement dit, il découpe le spot. En long, en large, en travers et avec style, s’il vous plaît. Des petits, des moyens, des grands tubes, rien ne lui échappe. Un choix de vagues aux petits oignons.
Monsieur Capony, évidemment avec son acolyte de toujours, monsieur Bouteleux, a aussi les crocs. Petites, moyennes, fermantes, chaque vague qui passe est bonne à prendre, quitte à finir le front dans la roche.
Monsieur Ziggy Cavier n’est pas dernier non plus. Armé de son fidèle casque rouge, il arrive, malgré son allure de voiture sans permis, à se caler dans des tuyaux peu larges mais longs.
Et pour compléter la team Boucan Surf School, monsieur Fabien Thazar qui rentre sur la fin de journée. Et hop, une session mémorable enregistrée dans mes cartes SD.
Après un court débrief sur le parking post-session, nous rentrons chacun de notre côté. Je savais que j’avais de l’or en barre dans mon disque dur, mais j’attendais quand même la session du lendemain.
Le lendemain, une nouvelle tentative
Rebelote, cinq heures trente sur place. La Papang mobile sur le parking. Je me précipite en bas de la falaise, je m’installe rapidement et sous mes yeux, le premier back en droite de Claude. Le premier de la session, évidemment… que je loupe, le trépied dans les mains.
Le plan d’eau est beaucoup plus clean, mais ça ne prend pas. Il manque un peu de taille et les pipos sont moins présents que la veille.
Une petite heure après, je pars et je refais le circuit “boucle” en espérant trouver mieux. Mais non, toujours mal rangé et trop petit du côté de Grand Fond.
Le café et le CBD de Paulo plus tard, j’attends que la journée passe.
Milieu d’après-midi, rebelote. Les vagues commencent à devenir de plus en plus grosses.
Le parking est plein à craquer. Des riders de l’Étang-Salé et de Saint-Pierre sont venus pour surfer cette vague qui marche peut-être trois à six jours dans l’année.
On rigole, on debrief avec ceux qui viennent de sortir, on dit que c’était mieux la veille… En gros, ON FABULE.
Ni une ni deux, je me déploie au sommet de la falaise, et me voilà de retour dans le cinéma. Des grosses vagues, un peu loches pour le terme technique.
Un set de trop et Claude casse son leash. Un signe annonçant la fin de session. Il reste un peu sur sa faim, le connaissant.
Des sets de plus de 2m50 continuent de déferler dans cette petite crique, bien tranquille le reste du temps.
L’arrivée du cyclone Garance
Et voilà, le cyclone arrive le lendemain. Plus redoutable que ce que l’on pensait.
Des pluies diluviennes emportent des Citroën C3 encore sous crédit. Des enfants jouent dans les skateparks inondés pendant que d’autres, au bas des rivières, voient leur logis partir dans le courant.
Des vents dévastateurs arrachent les toitures comme dans les Trois Petits Cochons.
Saint-Gilles-les-Bains est méconnaissable. Le pont écroulé, les restaurants inondés, des voitures retournées.
Du côté de Saint-Leu, le pont de Kélonia s’est aussi affaissé. Saint-Denis a des airs de ville du tiers-monde.
Cet événement aura marqué tout le monde, ça c’est certain.
Photos : Gauthier Emeric
Article : Yaya